Interview : un FabLab en Auvergne

Publié par astu 'sciences, le 10 mars 2014   1.2k

Un FabLab devrait bientôt ouvrir ses portes dans la région Auvergne. astu'sciences a pu rencontrer son porteur de projet : Pierre-Olivier Bonnet. L'occasion d'en découvrir un peu plus sur ce sujet parfois méconnu du grand public et de savoir ce qui attendra les visiteurs du PobLab prochainement installé à Vic-Sur-Cère. Les FabLabs sont apparus il y a une dizaine d'années au Massachussets Institute of Technology, à l'initiative de Neil Gershenfeld, un professeur de physique. Il s'agit d'ateliers de fabrication à visée communautaire. Ainsi, chacun a les moyens de fabriquer de nombreuses sortes d'objets manufacturés comme en sortie d'usine, dans la mouvance du Do It Yourself. Encore assez méconnus du grand public, les FabLabs devraient arriver petit à petit en France, suite à un appel à projets lancé par le Ministère du Redressement Productif le 25 juin dernier. 154 projets ont ainsi été examinés par Fleur Pellerin, ministre des Petites et Moyennes Entreprises, de l'Innovation, et de l'Economie Numérique, et Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif. Le 13 décembre a eu lieu l'annonce des dossiers sélectionnés. Ils en auront retenu 14 en tout, parmi eux celui de Pierre-Olivier Bonnet, entrepreneur Brivadois dont Astu'Sciences a recueilli les impressions.

Quelle est votre définition des FabLabs ?

C'est pour moi un lieu de mise à disposition, de découvertes et d'utilisations de machines numériques.

Pourquoi vous êtes-vous investi dans un projet de FabLab ?

Je suis ingénieur, j'aime bien créer, bricoler et faire de l'électronique. On s'aperçoit aussi de plus en plus qu'il y a des produits, dans le scolaire par exemple, qui sont extrêmements chers alors qu'ils ne coûtent pratiquement rien à fabriquer. Ils ne sont pas achetables par les écoles alors qu'ils sont techniquement faciles à concevoir. Donc pour cela il faut usier un petit peu, faire un peu d'électronique, choses que le FabLab permet.

Que peut-on fabriquer dans un FabLab ?

Tout. Il y a un concept aux Etats-Unis (Opensourceecology) où sont mis en ligne les plans de 40 machines capables de faire fonctionner tout un village. Donc il y a le tracteur, le tractopelle, la herse... Ca va loin, ils ont également fabriqué une presse qui crée des briques en terre et on peut construire sa maison avec. Sur la même idée, il y a quelques ingénieurs agricoles à Grenoble, qui ont fabriqué les outils pour équiper le tracteur avec juste un peu d'acier. Donc, les conceptions d'un FabLab vont de la petite électronique aux machines de production. Bien sûr le FabLab a ses limites, les réalisations restant dans l'ordre du prototype et de l'invention, puisque le but n'est pas de faire de la production en série ou de concurrencer les industriels.

Que pourra-t-on fabriquer dans celui que vous proposez ?

Pour l’instant c’est encore en réflexion, nous tissons des partenariats avec des entreprises, des collectivités pour avoir un projet cohérent avec le territoire de Vic sur Cère et de Brioude.

Quelles en seront les modalités d'accès ?

C'est en cours de finition mais nous avons vocation à accueillir le grand public et les petites entreprises. Après pour ce qui est du rythme d'ouverture, ce n'est pas encore décidé.

Quand est-ce-que vous pensez que ce projet verra le jour ?

Fin février. Il faut que nous arrivions à recruter une personne c'est le point délicat : trouver la bonne personne. Mais ça se déroule assez vite on doit encore présenter le projet à des entreprises, à AcoLab l'atelier Clermontois, et FormaLab au Puy-en-Velay. C'est vrai que c'est court mais nous avons déja une équipe dans l'entreprise qui s'investit beaucoup et notre souhait c'est d'ouvrir au plus vite.

Vous faîtes partie des 14 lauréats sélectionnés par le Ministère, qu'est-ce-que ça vous fait ?

C'est chouette. Ils ont retenu une entreprise en Auvergne, c'est un bon coup de pouce. C'est bien, le tout est de réussir à monter vraiment le projet et qu'il serve.

Selon vous, en quoi vous êtes-vous démarqué, qu'est-ce-qui a plu dans ce projet ?

Aujourd'hui le gros de mon métier c'est de m'occuper d'écoles. Je réponds à un appel d'offre tous les 15 jours donc je pense qu'en rédaction de dossiers pour l'administration nous avons quand même un peu d'expérience. Après je ne sais pas si c'est ça qui a fait la différence. Je ne sais pas pourquoi nous avons été retenus mais c'est peut-être parce que nous sommes encore une structure en croissance et que nous n'avons pas fait un projet trop ambitieux. C'est un projet que l'entreprise a largement les moyens de financer pour en faire quelque chose de bien. Nous avons été honnêtes et justes sur la taille du projet donc je pense que c'est important, au moins pour l'aspect financier.

Pour ceux qui auraient envie de se lancer dans un projet de FabLab, quels conseils donneriez-vous ?

Pour l'instant je ne sais pas, nous en sommes plutôt au stade de demander nous-même des conseils. Et puis il y a trop de visions différentes du FabLab. Il faudrait savoir quel FabLab pour quel objectif : marketing, humain, social...pour pouvoir répondre à la question.

Avez-vous déjà des partenaires dans la région Auvergne ?

Nous avons la communauté de communes de Vic-sur-Cère qui nous soutient et est assez dynamique pour nous présenter des gens et faire avancer le projet. Nous avons aussi eu des contacts avec la CCI et ils ont l'air plutôt intéressés. Il y a le Lycée Mermoz d'Aurillac qui est prêt à collaborer, à nous prêter des outiles et à nous aider à recruter. Egalement quelques entreprises, déja clientes de notre entreprise, que ce projet intéresse. Enfin AcoLab, le petit atelier de fabrication de Clermont. Il peut être intéressant d'échanger nos compétences, de se prêter des machines. Nous sommes une petite région ce serait dommage de ne pas collaborer.

Songez-vous à mettre en place une communauté autour du PobLab ?

Oui, c'est un des buts du projet. Nous allons nous implanter à Vic-Sur-Cère du coup c'est le moyen d'amener peut-être plus de notoriété et de travail dans la commune via le FabLab. Par exemple il y a une forge d'art et un ébéniste qui vont peut-être pouvoir profiter eux aussi de ce projet.

D'ici quelques années, envisagez-vous d'ouvrir d'autres FabLabs das la région Auvergne ?

Si ça marche oui. Ensuite le PobLab va peut-être donner envie à des gens d'en ouvrir un eux-mêmes. On verra peut-être aussi des "ouvertures naturelles" qui feront suite à celle de notre FabLab. Nous, notre but n'est pas lucratif. Ce serait plutôt de promouvoir l'initiative locale.

propos recueillis par Marion Zitoli, stagiaire en communication à astu'sciences